Le ton badin, léger, railleur, même à
doses tempérées et sans aller jusqu’à
l’ironie, est pénible quand il dure
longtemps, dangereux s’il devient
habitude. Astringent subtil, il
contracte l’épiderme du cœur, empêche
toute ouverture, arrête tout abandon.
Sans bonhomie, pas d’abandon
sans abandon pas de bien-être
sans bien-être, pas d’intimité. Le
papillon du sentiment n’éclot que
sous le rayon de la bienveillance et
dans l’atmosphère vivifiante de la
sympathie. Soyons plutôt naïfs
qu’ironiques dans l’intérêt de notre
bonheur et du bonheur des autres, et
ne tuons pas, sous la froideur
piquante de la moquerie, la
chrysalide qui demande à s’ouvrir.
Grains de mil: poésies et pensées
Henri Frédéric Amiel
Une Citation sur les sentiments